Création

LA CHIQUE


je sens que
j'apparaîtrai
bientôt
quelque part
sans voix
 
ou avec celle égorgée du mur
l'haleine limite de ses jours rouges
et sans sieste
où l'on mâche
comme on parle
en dormant
bouche fermée
gencives à vif
et remâche
pâte de brique et de dents
 
l'avantage de cette sorte de cage
canines soudées, langue ravalée :
je ne me ronge plus les ongles.

alors
j'ai des doigts de fin du monde
les mains lourdes
à traîner leurs outils
petits couteaux élimés
inutiles greffes animales
qui sonnent et traquent
forgent des rails
et leur bruit
roulent dans la garnotte et le sel
s'usent
déchirent
ma trace en sang
poursuivie
 
je traîne de longues manches rouges
celles des enfances qu'on tire
impatients
qu'elles avancent
 
râpée à l'hiver des villes
je sile
leurs bottes lâches
rêve
de soulever les pieds
 
les mains lourdes au sol
Qu'elles y restent
et creusent l'envers du monde.
je sens que
j'apparaîtrai bientôt
quelque part
étoilée carmine
une tache
à ma trace visqueuse
au hasard crachat corail
brûlante de moi
couleur couchant
 
coursée
à l'élan des rues
me soulèverai
aux branches
orangées des arbres
puis à la brique
les dents brisées
 
Soufflée au mur
y grafigner
Bombe
à la craie de canine
le mot amorce
de toutes les marches
à mes côtés
la joie violente
inscrite au paysage
 
et la bouche : l'ouvrir
voir par ce trou le ciel
couleur couchée
coulé dans l'odeur des toits qui fondent
crachat de l'envers de moi
l'amoureuse et disloquée
foncera
mâchoire mobile




le mur en gorge
aspire et colle
le mot poussière
à la colère brute des os
mâche ce qui reste à l'intérieur
pâte de dents
chair à mots
la goulue la langue
la dévorée
l'en morceau du dire
la mal engueulée
chair à langue le mot
l'accroc au paysage
une envie de cracher
ma couleur qui
dépasse
dévale et phrase
s'effiloche  
au trou du visage
 
à recoudre
je n'écris pas de poèmes
n'ai plus de dents
mais du gris pantoufle
sale à l'aiguille des doigts
et du rouge macramé
me tisse aux pieds des cicatrices
laboure et tache
de baisés gercés
cet héritage d'asphalte
rêche
n'ai que pores à sel et garnotte
une peau d'engrenages
qui creuse des bruits
mâche ses mots
n'ai pas de maison
qu'un mur
à lui longer
l'aller-retour
une manche qui traîne la patte
un front qui râpe la brique
se tort en s'épelant
le mot
promesse en lambeaux
mobile au mur
mange mastique
dort pas
avance
pâte de brique creuse
troue l'à l'envers de
cette autre promenade
vacante
brûle la résine des jours
sans sieste
dévale
le mot antipersonnel
traîne
sa mâchoire cisaillée
 
ma bouche
partout

j'apparaîtrai
sûrement bientôt
écrite au moi
à l'embrassade
désemmurée
me serai
 
crachée au vent
 
marché
dessus
 
embrasée
dessous
 
couchée
enfin.

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